Recueil d'expériences techniques

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3.2.2. Résistance mécanique des ouvrages de génie végétal sur les cours d’eau de montagne

Contrairement aux pratiques du génie civil, qui reposent sur l’emploi exclusif de matériaux inertes, le dimensionnement des ouvrages de génie végétal ne s’appuie pas sur des règles de calculs normées. L’emploi de matériel vivant en est une raison essentielle. 
Les connaissances du comportement mécanique des ouvrages de génie végétal s’affinent, mais leurs variabilités ne permettent pas de tirer des conclusions définitives. Ainsi, le dimensionnement est essentiellement empirique et repose sur le savoir-faire des spécialistes. 
Toutefois, lorsqu’une étude hydraulique du cours d’eau est disponible, la contrainte tractrice est retenue pour étayer la décision. Il s’agit d’un paramètre classique pour apprécier les interactions hydrauliques et structurelles. Des retours d’expériences ont aussi permis de faire le lien entre la contrainte tractrice et la résistance des ouvrages.
Pour structurer ce savoir et fournir une aide à la conception, une synthèse des valeurs rencontrées dans la littérature spécialisée a été réalisée. Le tableau 1 (Frossard et Evette 2009) dresse un large panel des valeurs de résistance des différentes techniques.
 
 
Tab. 1 - Contraintes tractrices calculées pour des crues données pour diverses techniques de génie végétal.
 
 Technique Contrainte tractrice [N/m²]
À la réalisation 1 à 2 ans après 3 ou 4 ans après
 Enherbement 4(3)-20(3) 25-30(3) 30(3)-100(2)
 Boutures 10(3) 60(3)-150(1) 60(3)-165(1)
 Boudin d’hélophytes 10(3)-30(2) 20-30(3) 50(3)-60(1)
 Clayonnages 10(2,3) 10-15(3) 10(3)-120(1)
 Fascines 20(3)-60(2) 50(3)-60(3) 80(2)-250(4)
 Saules   50-70(4) 100-140(4)
800 (20 ans)(4)
 Plantation d’arbre 20(2)   120(2)
 Lit de plants et plançons 20(2,3) 120(3) 140(2,3)
 Couche de branches à rejet 50(2,3)-150(3) 150(3)-300(3) 300(2,3)-450(3)
 Caissons végétalisés 500(3) 600(3) 600(3)
 Enrochements  Végétalisés 100(3)-200(2) 100(3)-300(3) 300(2)-350(3)
 Nus 250(2) 250(2) 250(2)
 
1 : Faber 2004 ; 2 : Schiechtl et Stern 1996 ; 3 : Venti et al. 2003 ; 4 : Lachat 1994.
 
 
Les valeurs de référence dans le tableau mettent en évidence les disparités entre les auteurs et révèlent la large gamme de valeurs de résistance pour certaines techniques. Toutefois, des tendances se dessinent. Les couches de branches à rejets présentent une résistance importante par rapport aux autres techniques et notamment par rapport aux fascines, aux boutures de saule et aux tressages (= clayonnages).
D’après le tableau 1, les ouvrages les plus résistants aux contraintes tractrices sont les couches de branches à rejets avec enrochements en pied de berge (τlim = 300-450 N.m–2) et les caissons végétalisés (τlim = 600 N.m–2). Ces valeurs ont une gamme de résistance équivalente ou supérieure à certains enrochements (τlim = 250 N.m–2, correspondant à des blocs en vrac de 30 cm de diamètre) ou aux enrochements végétalisés (τlim = 300-350 N.m–2).
 
Par conséquent, les techniques de génie végétal ont une résistance importante aux contraintes de traction.
Par ailleurs, les ouvrages de génie végétal se fortifient avec le temps. Leur résistance est minimale suite à la construction, c’est à ce moment que l’ouvrage est le plus vulnérable aux crues. Les années suivantes, la végétation se développe (système racinaire et tiges aériennes) et apporte son rôle protecteur à la berge.
 
 
Limites de l’utilisation de la contrainte tractrice
 
Remarque sur l’usage des données : les valeurs ont été calculées pour des crues subies par des ouvrages non détériorés. Le faible nombre d’échantillons ne permet pas d’envisager une approche statistique. Il s’agit donc d’évaluations ponctuelles et indicatives, ne fixant en aucun cas les limites d’emploi des techniques.
 
Par conséquent, il est possible d’installer des ouvrages exposés à des contraintes supérieures ou inférieures à celles qui figurent dans le tableau, sans toutefois avoir de garanties sur le résultat. La résistance d’un ouvrage peut en effet fluctuer en fonction de la nature du sol, de l’altitude et des conditions météorologiques, de la conception de l’ouvrage, des modalités de mise en œuvre de l’ouvrage et du matériel végétal, ou encore de la variabilité génétique des végétaux utilisés.
 
Gerstgraser (2000) a mis en évidence des différences d’approximation dans les modes de calcul selon les auteurs, qui conduisent à augmenter l’incertitude sur les valeurs relatives. 
 
Le calcul de la contrainte tractrice ne prend pas en compte les différences de rugosité de la berge, ni l’effet de la végétation sur le champ de vitesse. Dans certains cas, une forte rugosité générée par un couvert arbustif dense peut ralentir le courant et donc réduire les forces d’arrachement sur une protection de berge, alors que le même type de protection avec une rugosité plus faible n’aurait pas tenu. Le calcul de la contrainte tractrice est le même dans les deux cas, mais la tenue de l’ouvrage va varier en fonction du type de couverture végétale. Enfin, le calcul de la force tractrice n’est théoriquement valable que pour des tronçons rectilignes. Or, si un ouvrage est construit en partie convexe ou concave, le calcul de la force tractrice est le même, mais l’ouvrage aura plus de chance d’être arraché en rive concave.
 
Les valeurs de contraintes tractrices recensées dans le tableau 1 sont utilisées pour étayer le choix des techniques. Elles ne doivent être utilisées qu’à titre indicatif.