Principes d'aménagement des cours d'eau

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3.1. Définition et principes

Le génie végétal est un ensemble de techniques de construction fondé sur l’observation et l’imitation des modèles naturels pour répondre à des problématiques d’aménagement du territoire. Les principaux domaines d’utilisation du génie végétal sont :
la lutte contre l’érosion du sol ou l’instabilité des talus ;
la renaturation d’un site (écologique, paysagère, etc.) ;
la lutte contre les espèces invasives ;
la protection contre les risques naturels ou le bruit.
 
Il s’agit donc de techniques alternatives aux techniques traditionnelles de génie civil.
 
Surell déclarait en 1841 que « la végétation est le meilleur moyen de défense à opposer aux torrents. […] L’art alors se bornera à imiter la nature, à s’emparer de ses procédés, et à opposer habilement les forces de la vie organique à celles de la matière brute ». Cette idée de reproduction de modèles naturels se retrouve dans beaucoup de définitions du génie végétal (ou génie biologique). Ainsi, pour Zeh (2007) : « Le génie biologique traite de la construction d’une manière proche de la nature. » Pour Adam et al. (2008), « il est une imitation de la nature » et correspond à « une protection vivante inspirée des modèles naturels ».
 
Fig. 1 - Protections de berges en génie végétal sur la Petite Gryonne, cours d’eau torrentiel des Préalpes vaudoises (chantier pilote Géni’Alp - Canton de Vaud - Suisse).Un ouvrage relève du génie végétal si la végétation y assure des fonctions structurelles (stabilité, ancrage) et qu’elle n’intervient pas uniquement comme supplément (verdissement) d’une structure qui se suffit à elle-même sur le plan mécanique (fig. 1). Ainsi, Schiechtl (1992) stipule qu’une caractéristique du génie biologique est que les plantes et le matériel végétal constituent des matériaux de construction (vivant) à part entière, utilisables seuls ou en association avec des matériaux inertes. Dans cet esprit, un ouvrage ne peut être qualifié de génie végétal que si les matériaux vivants sont utilisés comme base de sa construction (Adam et al. 2008).
 
Gray et Sotir (1996) différencient les techniques de stabilisation « biotechniques » (biotechnical stabilization) du génie biologique proprement dit (soil bioengineering). Pour ces auteurs, les techniques de stabilisation « biotechniques » combinent des structures inertes et des végétaux vivants sans que ces derniers n’assurent nécessairement de rôle mécanique. Le génie biologique apparaît ainsi comme un sous-ensemble du domaine biotechnique pour lequel les végétaux servent comme éléments structurants de l’ouvrage, assurant un vrai rôle mécanique. Dans le même esprit, et en ce qui concerne les berges de cours d’eau, Fripp (2008) souligne le caractère flexible et plastique des aménagements structurés par des végétaux, et propose de séparer les ouvrages en fonction de leur flexibilité : il oppose alors les ouvrages rigides dont la structure repose sur des matériaux inertes, et les ouvrages souples dont la structure repose sur des végétaux. Ces définitions et les portées sémantiques des termes présentent une importance particulière lorsqu’on s’intéresse au génie végétal en rivière de montagne. En effet, s’agissant de rivières à fortes pentes et à forte énergie, les ouvrages de protection de berge font fréquemment appel à des matériaux auxiliaires lourds comme des enrochements.
 
En s’appuyant sur les définitions énoncées ci-dessus, on peut considérer que le génie végétal rassemble l’ensemble des ouvrages pour lesquels les végétaux assurent une fonction de stabilisation mécanique. On parlera de génie biotechnique pour les ouvrages dans lesquels ce sont les matériaux inertes qui assurent les fonctions de stabilisation mécanique, comme, par exemple, les enrochements végétalisés. Dans les ouvrages de génie biotechnique, les végétaux n’assurent pas ou peu de fonctions mécaniques, ces dernières étant assurées par des ouvrages de génie civil comme l’enrochement ou le grillage. Les végétaux assurent en revanche des fonctions écologiques (création d’habitats, maintien d’une partie de la fonctionnalité des corridors, etc.) et des fonctions paysagères. Même en appui de matériaux minéraux lourds, les végétaux peuvent également contribuer à la stabilité de la berge par augmentation de sa rugosité et par renforcement de la stabilité de l’ouvrage par les systèmes racinaires.
 
Les ouvrages de protection de berge peuvent être classés en trois types principaux : le génie végétal, le génie forestier et le génie civil. Le génie forestier concerne les ouvrages réalisés avec des structures bois (rondins), et le génie civil concerne les ouvrages réalisés avec des matériaux minéraux (enrochements, grillages, etc.). La figure 2 ci-après permet de positionner ces trois types d’ouvrages qui ne s’excluent pas mutuellement. En effet, des végétaux vivants peuvent être intégrés à des ouvrages bois (caissons végétalisés, par exemple), des techniques végétales peuvent également être associées à des techniques de génie civil (lits de plants et plançons et enrochement de pied de berge, par exemple).
 
Les matériaux utilisés dans les ouvrages de génie végétal sont principalement des végétaux vivants (semences, boutures, plants, etc.). En appui à ces matériaux vivants, des matériaux inertes à base de matière végétale (troncs, pieux en bois, géotextiles, etc.) ou minérale (enrochements, pieux métalliques, fils de fer, etc.) peuvent toutefois être utilisés. Les techniques de génie végétal utilisant à la fois des matériaux végétaux et minéraux sont appelées techniques mixtes.
 
Fig. 2 - Étendue du génie végétal et des domaines associés.Des matériaux inertes sont parfois installés pour assurer la tenue de la berge en attendant que la végétation se développe et prenne le relais de la protection de la berge, comme c’est le cas pour les géotextiles biodégradables ou, dans une certaine mesure, pour les caissons en bois végétalisés. Ces matériaux peuvent également être utilisés en complément de la végétation pour accroître la stabilité de la berge dans des zones à trop fortes contraintes. Par exemple, des enrochements de pied de berge sont souvent utilisés pour protéger la partie inférieure de celle-ci dans les rivières de montagne, en complément d’ouvrages en matériaux vivants sur la partie supérieure. Cette pratique peut notamment se justifier par la présence naturelle de blocs dans le lit des rivières de montagne (fig. 3).
 
Le génie végétal est un domaine pluridisciplinaire faisant appel à des connaissances variées : ingénierie, botanique, écologie végétale, hydraulique, hydrologie, pédologie, géotechnique, etc. La mise en œuvre de chantiers de génie végétal est donc complexe car de multiples facteurs interviennent et influent sur l’efficacité de la stabilisation de la berge et la pérennité de l’ouvrage. Celle-ci dépend largement du bon développement des végétaux, ces derniers ayant pour but d’augmenter la stabilité du sol. 
 
Fig. 3 - Présence de blocs en rivière de montagne.Pour qu’un ouvrage de génie végétal soit efficace, il faut être particulièrement attentif au choix des espèces utilisées, à la conception, à la méthode de construction de l’ouvrage et à son entretien. Une bonne observation du site et de ses paramètres stationnels (hydrologie, température, propriété du sol, luminosité, etc.) est primordiale pour la réalisation de ces ouvrages. En effet, les végétaux doivent être en mesure de se développer rapidement dans les conditions locales. Un ouvrage de génie végétal est réussi lorsqu’il protège les biens et les personnes contre les problèmes d’érosion, mais aussi lorsqu’il s’intègre parfaitement à son milieu (propriétés écosystémiques, paysage, usages, etc.).
 
Un des dangers de l’utilisation de ces techniques peut être de considérer les ouvrages de génie végétal uniquement comme des aménagements paysagers. Lachat (1994) considère que le génie végétal ne doit pas se borner à un « effet esthétique ». Au contraire, l’ambition du génie végétal est de contribuer à la conservation, l’amélioration et la recréation des fonctions naturelles (Lachat 1991).
 
Dans un contexte global d’aménagement des cours d’eau, le génie végétal est utilisable dans différentes situations et pour plusieurs types d’intervention. Ses domaines d’application variés en font un outil à disposition du gestionnaire et non pas un concept d’aménagement. Comme présenté sur la figure 4, le génie biologique fournit des solutions intéressantes et s’adapte tout à fait à différents types de projets, qu’il s’agisse de travaux d’endiguement comme de travaux de restauration de cours d’eau au sens large.
 
Fig. 4 - Principales catégories d’intervention et situation du génie biologique dans un contexte global d’aménagement des cours d’eau.En effet, il s’intègre parfaitement à la fois dans le cadre de travaux lourds visant des objectifs purement sécuritaires de protection contre les crues et contre l’érosion. Mais il est surtout utilisé et adapté dans le cadre de travaux de revalorisation (niveau d’objectif du type R1) et de renaturation de cours d’eau (R2) visant à diversifier les milieux et à améliorer les caractéristiques écologiques (Malavoi et al. 2007). Au-delà, il est également largement utilisé pour des opérations plus ambitieuses de revitalisation, dont l’objectif est de rendre un espace de mobilité latérale à la rivière et de reconstituer les conditions nécessaires à la dynamique fluviale (R3 – fig. 4).