Principes d'aménagement des cours d'eau

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1.2.4. Deux priorités : restauration des milieux aquatiques et espace de bon fonctionnement des cours d’eau

À l’état naturel, l’hydrosystème est composé d’une mosaïque de milieux abritant une grande diversité animale et végétale. Or, des milieux aquatiques fonctionnels et proches de cet état naturel rendent des services importants à la société, que ce soit en matière de lutte contre les inondations (rôle tampon lors de crue), d’épuration des eaux par filtration, de conservation de la biodiversité ou encore d’attractivité paysagère.
 
Le préalable indispensable au bon fonctionnement des cours d’eau est le maintien ou la restauration d’un transport solide suffisant. Pour cela, la présence de zones d’alimentation sur les versants et de terrains érodables permettant la remobilisation de la charge solide stockée dans le lit majeur doit être préservée. Ainsi, « pour garantir l’équilibre géodynamique des cours d’eau à dynamique active, éviter leur incision et préserver ainsi les divers usages qui leur sont associés, […] il est nécessaire d’accepter que les rivières érodent régulièrement une partie de leur lit majeur » (Malavoi et al. 2011).
 
En France comme en Suisse, ce principe est de mieux en mieux assimilé dans les politiques publiques. Ainsi, la restauration des cours d’eau et le maintien d’un espace de mobilité (également appelé espace de bon fonctionnement ou encore espace de liberté) constituent aujourd’hui des axes forts de la politique de l’eau des deux pays.
 
À titre d’exemple, la loi française offre la possibilité d’instituer une servitude d’utilité publique en vue de « créer ou restaurer des zones de mobilité du lit mineur d’un cours d’eau […] afin de préserver ou de restaurer ses caractères hydrologiques et géomorphologiques essentiels » (loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages ; art. L. 211-12 du Code de l’environnement). Cet article prévoit ainsi la préservation de certains secteurs contre la protection et la fixation du lit mineur, mais aussi la suppression de protections ou de points durs existants. Le principe de préservation et de restauration de l’espace de mobilité est également affirmé de manière forte dans les différents SDAGE (à l’exemple de l’orientation fondamentale n°6A-01 du SDAGE Rhône-Méditerranée).
 
Le décret n°2002-202 du 13 février 2002 signale par ailleurs que les protections de berge ne doivent pas réduire de manière significative l’espace de mobilité des cours d’eau. Celui-ci est défini par la loi française comme « l’espace du lit majeur à l’intérieur duquel le lit mineur peut se déplacer » (arrêté du 24 janvier 2001). Les exploitations de carrières de granulats y sont interdites.
 
En Suisse, les mesures agro-environnementales imposent aux exploitations agricoles riveraines de consacrer l’équivalent de 7 % de leur surface agricole utile à des surfaces de compensation écologique (SCE). Celles-ci sont notamment des milieux naturels ou semi-naturels exploités de manière extensive (prairies et pâturages extensifs, haies, etc.). L’espace réservé aux eaux défini par les cantons pourra être exploité uniquement comme surface de compensation écologique de type prairie extensive, surface à litière, pâturage extensif, pâturage boisé, haie, bosquet champêtre ou berge boisée. De plus, l’ordonnance sur les zones alluviales d’importance nationale de 1992 charge les cantons de protéger les zones alluviales, de conserver, voire de rétablir leur dynamique naturelle, et d’accorder les usages avec les objectifs de protection. Près de 23 000 ha de zones alluviales sont ainsi concernés.
 
De chaque côté de la frontière, les structures ou autorités locales chargées de la gestion des milieux aquatiques sont incitées à mener des opérations de revitalisation (ou de « restauration ») des cours d’eau perturbés par les aménagements successifs (endiguement, chenalisation, protection de berge, etc.) et les diverses activités humaines (extraction de granulats, loisirs, etc.). Les politiques de gestion incitent également les structures à laisser le cours d’eau éroder ses berges dans la limite de l’acceptable afin de lui permettre de mobiliser au mieux les matériaux stockés sur les berges et de reconstituer une alternance de milieux hétérogènes (radier, mouilles, bancs alluviaux, etc.). On peut alors parler de « non-intervention ».

 

Les opérations visant le blocage de la dynamique latérale du cours d’eau par l’intermédiaire d’ouvrages de protection de berge sont, par conséquent, à proscrire lorsqu’aucun enjeu humain ne se trouve menacé par l’érosion.